MESSIRE LE SHAH

Publié le par Clarinette



Depuis presque deux ans, Le Shah est malade et ne peut plus garder l'alimentation qu'il ingère. Malgré des injections régulières de cortisone, son état se dégrade de plus en plus, il est très amaigri, mais garde toute sa personnalité. Il est câlin, lunatique et bavard.

Malheureusement, il souffre désormais beaucoup. Le véterinaire vient de me faire comprendre qu'il faut trouver le courage de le soulager, à présent.

J'ai rendez-vous samedi matin. Je suis très malheureuse, je sais que c'est ce qu'il faut faire mais j'ai l'impression de l'abandonner, de lâcher l'affaire. A le regarder, on a l'impression qu'entre ses crises, il vit sa vie pépère, entre câlins et siestes. Alors l'emmener pour abréger sa vie, même si elle est pénible, ça me serre le ventre. Mais ma conscience ne doit pas me rendre égoïste non plus... Ah, c'est bien dur, la vie.

Le Shah est né au début de l'été 1997, en Normandie. Il n'a pas plus de deux semaines lorsque les enfants d'un couple d'amis à moi, en vacances dans une maison de location, le découvre à demi-mort, dans la haie (deux autres chatons seront trouvés par la suite sur le bord de la route et dans les buissons, morts).Toute la famille, indignée par le geste ignoble de la personne qui a voulu se débarrasser ainsi d'une portée encombrante, s'emploie durant les vacances à le remettre sur pattes: il souffre essentiellement de dénutrition, et sa croissance est mal partie.

A la mi-août, il faut rentrer sur Paris et reprendre le travail. Le chien de la maison, soigneusement resté à l'écart pendant que ses maîtres étaient là, n'est pas du tout d'accord pour partager son domaine avec la petite boule de poils craintive et fluette: dorénavant, la chasse est ouverte, et la famille aura beau prendre toutes les précautions possibles pour éviter le contact entre les deux animaux, les enfermant chacun dans une pièce différente pendant leur absence, la vie devient vite insupportable pour le petit chat qui passe dorénavant tout son temps tapis sous l'armoire.

En décembre, sauvagement mordu à la tête, toujours sous-alimenté, Le Shah est vraiment mal en point. C'est à l'occasion d'une de ma visite pour le Nouvel An que je fais sa connaissance: il saute dans mes bras en me laboure la gorge en voulant échapper à son poursuivant canin bien décidé à la pas partager avec lui les caresses que j'ai l'habitude de lui prodiguer quand je viens. Mes amis m'expliquent la situation: ils ne peuvent le garder, et la SPA sera sans doute obligée de l'euthanasier, dans l'état où il est...

C'est donc le 31 décembre 1997 que j' adopte Le Shah et le rapporte à la maison, pas très rassurée par ce petit animal hyperstressé, blessé, constamment sur ses gardes, griffes sorties et dos hérissé.

Il faut dire que je n'ai jamais de chat - plutôt une belle histoire d'amour avec un cocker golden ! et que j'en ai un peu peur...

Mais avec sa robe de chartreux, ses pattes bottées, son noeud'pap et son bikini blancs, sa tête qui rappelle l'abyssin, ses longues moustaches et ses yeux en amande d'un vert intense, Le Shah est devenu un compagnon sachant jouer de son charme.


Peu joueur, plutôt pensif, il aime plus que tout se faire câliner à toute heure du jour et de la nuit, tout en gardant un sens aigu (aïe !) de l'autonomie. Il a le coup de patte facile, et souvent inattendu. Le moindre bruit peut le faire fuir et disparaître sous un meuble, tout comme les nouveaux venus. Pourtant, il ne faut pas s'y tromper, l'appartement est SON domaine, et il ne se prive pas pour y faire régner l'ordre.

L'ordre des chats...


 

Courant 1999, Le Shah commence à devenir insupportable. D'une jalousie maladive entâchant gravement mes relations avec mon canapé (!), il est très possessif, supporte mal les visites, et devient assez caractériel: tantôt très câlin, tantôt presque dangereux avec certaines personnes qu'il prend plaisir à griffer cruellement au passage. Pourtant, il est plus qu'attachant, et nous avons tous du mal à lui en vouloir, bien qu'il prenne parfois beaucoup de place dans la maisonnée.


Manifestement, ce qui lui a manqué dans les premiers mois de son existence de chat (l'éducation de la mère, les jeux (il souffre d'ailleurs d'un équilibre précaire, tombant ou glissant fréquemment) et la compagnie de ses congénères, fût-ce peu de temps). Nous plaisantons souvent en imaginant qu'il ne sait même pas qu'il est chat, calquant la plupart de ses habitudes et de ses attitudes(*) sur nous, et jappant comme un chien quand il saute ou quand il proteste.

(*) connaissez-vous beaucoup de chats qui se mettent spontanément à table, assis sur une chaise devant une assiette, quand on met le couvert ? qui changent de chaîne en jouant avec la télécommande, qui joue avec les lecteurs CD hifi et CD-Rom ? et j'en passe...

Bref, je décide début 2000 qu'il est temps pour lui d'avoir un compagnon de jeu et de vie à sa mesure pour essayer de remettre les pendules à l'heure. Je fixe mon projet pour le printemps, mais début mars, passant sur les Quais de la Mégisserie à Paris, je craque pour une petite chatte persanne colour point- seal point de 3 mois.

Abigaël est née le 29 novembre 1999, elle a toutes les caractéristiques de sa race et de grands yeux turquoises, clairs et limpides comme l'eau de la piscine. Je la ramène à la maison dans un minuscule carton sur lequel le vendeur à marqué au bic "chat méchant" tellement la boule de poils de 1kg100 s'y agite, bien décidée à partir explorer le vaste monde sans attendre.

Et de fait, à peine arrivée à la maison, la voici partie: escalades dans la bibliothèque, forages sous les meubles même les plus bas, au grand étonnement du maître des lieux. D'abord effrayé puis circonspect, Le Shah a pris tout son courage et s'est approché de la bestiole qui ne s'est pas dégonflée et lui a craché dessus avant de tenter de lui mordre la queue!

Quelques semaines de cohabitation plus ou moins houleuses (un coup je te mords un coup je fais ta toilette) et voici nos deux félins devenus inséprables, la petite apprenant au grand toutes les facéties auxquelles il n'a guère eu droit et qui ne cessent de l'étonner. Cache-cache, courses-poursuites, bagarres en règle et parties de foot s'enchaînent entre deux siestes, chacun de son côté. Le Shah tient bien sûr à faire comprendre à Abigaël qu'elle est chez lui, et qu'elle n'est que tolérée, mais il n'est guère crédible lorsqu'il passe son temps à la débarbouiller (et croyez-moi, il a du travail, parce qu'une persane qui adore explorer sous les armoires, ça en ramène, des saletés !) quand il ne lui cède pas carrément sa place devant la gamelle, à l'heure du casse-croûte.

Une seule intransigeance: les câlins sont pour lui avant tout, l'oreiller aussi, et pas question de déroger à la règle en tentant de s'imiscer entre lui et moi. Il garde la patte leste et la dent pointue, le bougre !

Depuis, la petite Caline est arrivée, et le trio s'entend à merveille.




Publié dans Les bêtes à poils

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A
Je comprend ta peine que trop bien et je ne peux que la partagée etant donné que mon Lapinou vient de nous dire adieux, lui aussi... Triste série.... Gros bisous
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A
Bon voyage Le Shah...<br /> Tu laisses un grand vide dans nos coeurs!<br /> On t'aimait beaucoup malgré ton foutu caractère! Mais quel personnage!<br /> Je regrette de ne pas t'avoir revu plus souvent...<br /> Tu aimais dormir sur les anneaux ouverts de mes classeur quand je faisais mes devoirs pour la Fac, ou gratter sous la porte quand on t'interdisait l'accès à la chambre...<br /> Au revoir, Le Shah botté, sacré bonhomme!<br /> Tu nous manques déjà...
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